Magistrat
Les magistrats de l’ordre judiciaire rendent la justice ou défendent l’intérêt public et l’application de la loi. Ils ont accès à une grande diversité de métiers (magistrats du parquet, juges du siège…) et la possibilité de changer de poste tout au long de leur carrière.
Le métier
Plus de 8000 magistrats de l’ordre judiciaire exercent en France. Ils ont un statut assimilé à celui des fonctionnaires. Les trois-quarts d’entre eux sont des magistrats du siège, ou juges, indépendants du pouvoir. Ils tranchent les litiges et rendent des jugements, des ordonnances ou des arrêts. Les magistrats du parquet ou ministère public (procureurs, avocats généraux et substituts), qui constituent le dernier quart des effectifs, ne jugent pas. Ils défendent l’intérêt public en soutenant l’accusation en matière pénale. D’autres magistrats relèvent de l'ordre administratif.Les magistrats sont au cœur des réformes qui touchent actuellement la justice : réforme pénale (http://www.vie-publique.fr/focus/reforme-penale-principales-mesures-loi-taubira.html) d’août 2014, loi pour la justice du XXIe siècle (https://www.gouvernement.fr/action/la-justice-du-21e-siecle) de novembre 2016, cinq chantiers de la justice (http://www.justice.gouv.fr/la-garde-des-sceaux-10016/restitution-des-chantiers-de-la-justice-31181.html) (transformation numérique, simplification de la procédure pénale, simplification de la procédure civile, adaptation du réseau des juridictions, sens et efficacité des peines) ouverts en octobre 2017, gigantesque projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice présenté en avril 2018… De nombreux magistrats ont protesté contre certaines dispositions, telles que la réorganisation de la carte judiciaire.
Missions
Le juge d’instance statue sur les conflits de nature civile de la vie quotidienne (endettement, contraventions, loyers impayés….) pour lesquelles les demandes portent sur des montants supérieurs à 4 000 euros et inférieurs à 10 000 euros.Le juge de grande instance est un magistrat généraliste qui exerce au sein du tribunal du même nom. Sur le plan civil, il tranche les litiges entre particuliers relevant de la compétence de son tribunal. En matière pénale, il est chargé de réprimer les délits et de statuer sur l’indemnisation des victimes.
Le juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction (sauf pour certaines infractions graves), ordonne le placement en détention provisoire d'une personne mise en examen ou la prolongation de sa détention provisoire. C’est également à lui de décider si le prévenu sera ou non remis en liberté en attendant que le verdict soit rendu.
Le juge aux affaires familiales intervient dans le cadre du contentieux familial. Il intervient donc dans les affaires de divorce, notamment, et doit veiller à protéger les intérêts des enfants. Il traite également des affaires d’état civil.
Le juge de l’application des peines (JAP) est chargé d’encadrer la réinsertion sociale des condamnés de prévenir la récidive et de mettre en œuvre la réparation des infractions. En milieu carcéral, il statue sur l’aménagement des peines. En milieu ouvert, il contrôle et suit les condamnés qui bénéficient d’un emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, d'un travail d'intérêt général, d'une liberté conditionnelle, etc.
Le juge des enfants est un magistrat spécialisé dans les problèmes de l'enfance, au civil comme au pénal. Il prend des mesures de sauvegarde, d'éducation et de rééducation à l'égard des jeunes jusqu'à leur majorité, et préside le tribunal pour enfants qui juge les mineurs délinquants. Sa mission première est d’assurer l’assistance éducative. Il travaille en étroite collaboration avec les personnels et services de la protection judiciaire de la jeunesse.
Le juge d’instruction instruit les affaires pénales et criminelles et les met en état d’être jugées. Actuellement, le juge d’instruction cumule les fonctions d’enquêteur et de juge : il dirige l’enquête avec les services de police et de gendarmerie et, en tant que juge, peut autoriser les écoutes téléphoniques, rejeter les demandes de mise en liberté ou mettre les suspects en examen. C’est lui, enfin, qui décide du non-lieu d’une affaire ou de son renvoi devant la juridiction compétente.
Les magistrats du parquet, ou ministère public, sont chargés de la défense de l'intérêt public : le procureur de la République et ses substituts, devant les tribunaux ; le procureur général, assisté des avocats généraux et des substituts du procureur général, devant les cours d'appel et la Cour de cassation. Ils sont destinataires des plaintes mais ne tranchent pas. En matière civile, le magistrat du parquet donne un avis sur la manière dont l'affaire doit être réglée. En matière pénale, il est partie principale au procès et assure la défense de la société et l'application de la loi en soutenant l'accusation.
Les magistrats détachés : quelque 300 magistrats exercent des fonctions diversifiées hors des juridictions, dans l’administration, des organismes publics ou des institutions internationales.
Possibilités d’évolution
Beaucoup de jeunes magistrats sont d’abord affectés au parquet, plus contraignant avec ses permanences du soir et du week-end. Mais les magistrats ont une obligation de mobilité géographique et fonctionnelle, qui leur impose, tous les cinq à sept ans, de demander une mutation. Ainsi, tout au long de leur carrière, ils ont la possibilité d’exercer plusieurs fonctions, au siège comme au parquet. Les magistrats peuvent aussi être détachés à l’étranger et effectuer, partout dans le monde, un travail de coopération.Rémunération
La formation initiale est rémunérée, environ 1500 euros nets par mois. Une fois en poste, les salaires mensuels (traitements et primes) vont d’environ 2 600 euros nets la première année à 8 700 euros nets en fin de carrière.Accès à la profession
La formation des magistrats de l’ordre judiciaire passe nécessairement par l’École nationale de la magistrature (ENM), accessible par concours, réputé très difficile. En 2013, un candidat sur sept était admis. Les candidats peuvent se présenter au maximum trois fois à chacun des trois concours d’accès à l’E.N.M. Pour le 1er concours, il faut être âgé de 31 ans au plus au 1er janvier de l'année du concours (il existe toutefois plusieurs possibilités de recul de cette limite d’âge) et être titulaire d’un Bac+4 ou d’un diplôme délivré par un IEP, ou être ancien élève d'une École normale supérieure. Trois classes préparatoires « égalité des chances » préparent au premier concours d’entrée à l’ENM des candidats méritants issus de milieux sociaux défavorisés. Par ailleurs, les professionnels en reconversion peuvent postuler au deuxième et troisième concours (respectivement fonctionnaires ou salariés du privé).Les admis, devenus « des auditeurs de justice », se forment pendant 31 mois et perçoivent environ 1500 euros nets par mois.
Des concours complémentaires sont enfin organisés ponctuellement pour les personnes âgées de 35 ans au moins ayant une expérience professionnelle de 10 ans. Les lauréats suivent une formation condensée de 7 mois.
Marché de l’emploi
Le recrutement est soutenu depuis 2011. En 2017, 280 postes ont été offerts : 215 pour le 1er concours, 51 pour le 2e concours et 14 pour le 3e concours. Le nombre de candidats est en hausse : +13,2%, avec 3068 candidats inscrits aux trois concours la même année. En 2016, l’ENM accueillait la plus grosse promotion de son histoire, soit 366 « auditeurs de justice », dont 67% issus du premier concours.Pour aller plus loin
École nationale de la magistrature, à Bordeaux et Pariswww.enm.justice.fr
Contact pour information sur les concours : concours.enm@justice.fr
Portrait
Andréa TOURETTE, juge de l'application des peines au TGI de Clermont-FerrandLe parquet offre mobilité et diversité Andréa Tourette a déjà quelques ambitions quand elle commence son cursus de droit à l’université d’Auvergne. « Je visais la haute fonction publique. L’ENA m’attirait. » L’étudiante sent aussi l’appel du large. Elle profite de sa licence de droit public pour faire plusieurs séjours au Canada. Comme l’idée de s’expatrier ne la quitte pas, elle part en Master 1 avec une bourse Erasmus dans une petite ville de République Tchèque. Elle y suit des cours en anglais de droit européen, qui seront validés à son retour. « J’ai rencontré des étudiants de tous les pays et voyagé dans toute l’Europe. C’était l’Auberge Espagnole ! ». Mais elle ne réduit pas le rythme de travail pour autant. Elle boucle un mémoire en droit comparé de l’environnement sur la directive biodiversité de Natura 2000. Et emmène dans son sac à dos de quoi préparer l’ENA et l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). Rien de moins.
En 2007, elle intègre un Master 2 en droit public et privé à Clermont-Ferrand et… remet les voiles. « J’ai profité d’un partenariat entre ma faculté et l’université de Detroit, aux Etats-Unis, pour y donner des cours de « civil law », notre droit européen de tradition romaine, pendant un an. » Au retour, elle tente l’ENM et l’ENA. Mais sans préparation, difficile de réussir. Elle entre à l’Institut d’études judiciaires (IEJ) d’Assas (Paris I) pour préparer une école du barreau tout en restant chargée de travaux dirigés à l’université d’Auvergne. Fin 2009, elle entre enfin à l’ENM et prête serment en août 2011.
La nouvelle magistrate, comme une majorité des sortants de l’école, est nommée au Parquet. Elle devient substitute placée auprès du procureur général de la Cour d’appel de Nancy. « J’interviens dans tous les tribunaux du ressort : Bar-le-Duc, Epinal… » En tant que parquetier, la jeune femme traite les procédures par courrier ou par téléphone et peut déclencher les poursuites. Le juge d’instruction lui envoie également des dossiers, une fois l’information judiciaire close, pour qu’elle rédige le réquisitoire définitif avant les poursuites. Dans les audiences où le juge du siège va décider de la culpabilité, elle représente l’intérêt public. Les journées sont longues, les permanences régulières. « Nous gérons des flux très importants, des mètres cubes de papier, prévient la magistrate. Notre quotidien, c’est le contentieux général : les atteintes aux personnes ou aux biens, les affaires de mœurs, les infractions sur la route, l’usage de stupéfiants ... Nous supervisons également les gardes à vue. »
Au bout d’un an, Andréa Tourette rejoint Briey, où se trouve le Tribunal de Grande Instance (TGI) du nord de la Meurthe-et-Moselle. « Peu connu, ce tribunal a une activité soutenue, car la proximité avec le Luxembourg et la Belgique est propice aux trafics en tous genres. »
Pas encore trentenaire, elle enchaîne en 2013 avec de nouvelles fonctions au sein de la Cour d’Appel de Riom, où elle est juge placé. « C’est l’un des postes les plus difficiles. Itinérant, varié et variable. J'ai été affecté principalement au TGI du Puy-en-Velay, en Haute-Loire, où j'ai pu être juge auprès de la 1ère chambre civile, juge d'instruction, président d'audience correctionnelle et in fine, juge des enfants ».
Depuis septembre 2015, André Tourette est juge de l'application des peines au TGI de Clermont-Ferrand. « J'affectionne particulièrement les fonctions de cabinet car elles sont proches du justiciable. Par ailleurs, l'application des peines est en pleine évolution depuis 2004 et nécessite une grande adaptation. Enfin, un nouveau centre pénitentiaire a ouvert le 31 janvier 2016 à Riom et c'est un challenge que de travailler avec un outil de cette taille. »